Sauvons le lycée Fresnel !

Sauvons le lycée Fresnel !
Pétition mise en ligne après décision d’une assemblée d’anciens élèves et soutenue par Photonics France
L’optique et la photonique demeurent des sujets majeurs et correspondent à un secteur stratégique à l’heure où la situation géopolitique mondiale se dégrade et où des menaces multiples de différentes natures et origines apparaissent.
Depuis plus de 80 ans, l’Ecole d’Optique Appliquée, devenue lycée Fresnel, forme des techniciens spécialisés dans ce domaine si particulier.
Malgré les besoins du pays grandissants dans ce secteur et sans prendre en compte ceux exprimés par la profession, la région Ile de France et le rectorat de Paris proposent de redéfinir la mission du lycée Fresnel, de faire disparaître les Bac technologiques STL et STI2D et d’installer une école hôtelière dans la totalité du bâtiment historique Pasteur !
Pourtant, dans le même temps, une plateforme destinée à l'orientation des élèves et des étudiants vers le secteur de la photonique vient de voir le jour : https://www.orientation-photonique.org/
Ce projet de transformation du lycée Fresnel en lycée pluridisciplinaire est avancé par des acteurs et décideurs qui n’ont d’autres motifs que de gérer les biens immobiliers et les personnels des établissements scolaires : ils ne constatent au lycée Fresnel que le seul recul des effectifs dont ils sont en partie responsables, après la disparition successive des différents enseignements et formations.
Les conséquences en termes de recrutement en BTS seront à court terme catastrophiques car la structure envisagée ne laissera place à aucune croissance et fera disparaître une source de recrutement interne.
L’abandon de la vocation optique propre au lycée Fresnel amplifiera alors le manque de personnels qualifiés dans l’ensemble du secteur professionnel.
Devons-nous accepter qu’aucune prospective digne d’une politique d’état responsable ne vienne éclairer ce projet ?
Devrons-nous dépendre dans l’avenir de nos amis Allemands si prompts à collaborer avec nous dans le domaine de la défense en achetant des chasseurs F35 ?
Devrons-nous dépendre de la Chine pour nous fournir des composants optiques ?
Devrons-nous dépendre aussi de nos autres amis Américains, qui privilégient systématiquement leurs intérêts y compris à notre encontre, pour nous fournir nos futurs systèmes photoniques, nos observations satellitaires ou les systèmes de visée indispensables à nos armées ?
Devrons-nous aussi renoncer à la recherche appliquée par manque de techniciens ?
Devrons-nous enfin nous résoudre à voir disparaître cette filière d’excellence ?
Une mobilisation est à l’ordre du jour.
Elle a d’abord pour objectif d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les impacts d’une telle décision pour notre pays.
Elle a aussi pour vocation d’alerter les décideurs sur les responsabilités qu’ils devront assumer si ce projet insensé est maintenu en l’état.
Elle réclame surtout qu’un nouveau projet soit défini afin de pérenniser et renforcer la vocation initiale du lycée Fresnel : des formations nouvelles et spécifiques à la photonique et à l’optique doivent être mises en place dans l’établissement.
Nous, professionnels de l’optique, acteurs de la photonique, anciens élèves du lycée ou simples citoyens responsables, nous réclamons l’abandon de ce projet de transformation et la confirmation de la vocation optique du lycée Fresnel par une déclaration des responsables politiques aujourd’hui aux affaires et concernés par ce sujet
(Gouvernement de Jean Castex, Région Ile de France présidée par Valérie Pécresse)
Nous demandons également qu’une véritable politique de ré-industrialisation soit décidée dans le secteur de la photonique et très justement initiée dans cet établissement emblématique pour répondre aux besoins actuels et futurs de techniciens.
Enfin nous interpelons l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle sur ce sujet sensible pour notre nation.
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De l’école d’optique appliquée au lycée Fresnel
Le besoin national fondateur
Durant la première guerre mondiale, un besoin impérieux d’ingénieurs et de personnels spécialisés en optique fut très clairement mis en évidence après avoir comparé nos matériels militaires avec ceux de l’ennemi d’outre Rhin alors très en avance sur les nôtres.
Sur l’insistance d’un groupe initiateur composé de militaires et de scientifiques, les autorités nationales décidèrent la création d’un institut d’optique à Paris dès 1917.
Cette structure s’installa définitivement au 5 Boulevard Pasteur dans le XV arrondissement de Paris en 1926 sous la direction de Charles Fabry.
Elle comportait alors 3 composantes :
-une école supérieure d’optique destinée à former les futurs ingénieurs.
-un laboratoire central dédié à la métrologie scientifique et industrielle.
-une école professionnelle mandatée pour la formation d’ouvriers spécialisés.
Les besoins immédiats de notre industrie et de notre recherche nationale furent satisfaits par la formation
d’opérateurs de précision compétents dans la production de composants optique et par celle des ingénieurs concepteurs de systèmes optiques.
https://www.institutoptique.fr/letablissement/histoire
L’émancipation
En 1940 l’école professionnelle d’optique acquiert son indépendance et devient l’EOA (Ecole d’Optique Appliquée).
Les besoins nouveaux et très spécifiques, ainsi que le nombre croissant d’élèves, débouchent sur la mise en place de nouvelles formations en montage-réglage ainsi qu’en optique lunetterie.
En 1957, l’EOA s’installe au 31 boulevard Pasteur dans de nouveaux locaux.
Les liens entre professionnels de l’optique et enseignants sont alors très étroits (participation aux jurys d’examen et d’admission). Elle délivre des diplômes spécialisés allant du CAP au BTS.
L’excellence et la nationalisation
En 1970, l’état nationalise l’école et la rebaptise quelques années plus tard.
Elle devient alors le lycée technique d’état Fresnel.
Il présente alors une panoplie complète de formations jusqu’aux années 90
750 élèves et étudiants suivent un parcours de formation en 1983
Lors des conseils d’administration durant cette période, le président du syndicat professionnel de l’optique est l’invité permanent du chef d’établissement et systématiquement présent.
Cela en dit long sur les liens étroits existants entre l’école et le monde professionnel d’alors.
La qualité des enseignements dispensés est reconnue par l’ensemble de la profession.
Les parcours professionnels de ses anciens élèves les conduisent à occuper des postes à responsabilités non seulement dans l’industrie en tant que techniciens, ingénieurs et chefs d’atelier mais leur permet d’accéder à la qualité de chef d’entreprise pour nombre d’entre eux.
D’autres encore se tournent vers l’enseignement ou la recherche.
De 1992 à 1995, une extension est réalisée sur le bâtiment annexe « Necker » afin de mieux accueillir les formations d’opticiens lunettiers.
Géopolitique, réforme et disparition de formations
Un monde nouveau a vu le jour en 1989 : le mur est tombé et l’ennemi d’hier soviétique disparait, la menace s’éloigne progressivement et les budgets militaires sont à la baisse.
1991, le BTS Instruments d’Optique et de Précision est remplacé par le BTS Génie Optique.
Deux spécialités sont créées : option Instrumentale et option Photonique (GOOI et GOP).
A partir de 1992, l’industrie Française de l’optique est sévèrement touchée car 80% de l’activité industrielle est dédiée à l’armement.
Conséquence, les besoins sont moindres et les entreprises ferment ou se regroupent.
Après la disparition du bac E en 1994, les classes préparatoires (P’) disparaissent elles aussi en 2000.
Quelques années plus tard, en 2002, le BEP Optique de Précision s’éteint lui aussi et signe la fin d’une formation exclusivement dédiée à la réalisation des surfaces et composants d’optique.
En 1999, la réforme du bac transforme le Btn F10 en Bac STI Génie Optique et le Btn F5 (Physique), né au lycée, en Bac STL (Sciences et Techniques de Laboratoire), l’option Physique-Chimie est alors retenue par le lycée en cohérence avec sa vocation d’établissement d’optique.
Jusqu’en 2012, les élèves du lycée Fresnel et de la dizaine d’établissements concernés au plan national seront les derniers à recevoir un savoir faire en matière de surfaçage optique.
De nombreux bacheliers diplômés dans l’établissement alimentent alors régulièrement les sections de BTS tant en optique lunetterie qu’en BTS génie Optique.
A partir de 2013 et consécutivement à une réforme des Bac STI décriée par la majorité des acteurs de l’enseignement mais aussi par les régions, les classes de seconde du lycée Fresnel disparaissent.
Une section STI2D est mise en place dans l’établissement mais aucune connaissance ou savoir faire spécifique à l’optique n’est plus diffusé.
De facto, et consécutivement à cette réforme, le Bac STL est lui aussi rénové en 2013 mais néanmoins conservé au sein du lycée.
Cette réforme dogmatique, à visée économique, présentée comme conforme à une vision « post industrielle » a volontairement ignorée plusieurs secteurs comme la filière Bois mais aussi l’Optique !
Elle met également au rebus l’ensemble des parcs machines des établissements techniques et bannit du vocabulaire le mot « atelier ».
Les conséquences industrielles sont aujourd’hui clairement visibles : de nombreux postes ne sont plus pourvus, les parcours de formation des techniciens se sont depuis dramatiquement appauvris et leur accession aux écoles d’ingénieur s’effectue avec un bagage technique qui souffre d’une absence de culture en productique.
Rappelons, tout de même, que le Bac technologique Génie Optique est né au lycée Fresnel, avait un programme de formation qui intégrait un thème de travail fédérateur à plusieurs disciplines techniques (fabrication mécanique - montage / réglage – électronique / informatique- surfaçage optique – conception et production de couches-minces par évaporation sous vide- métrologie optique).
Ce thème d’étude et de fabrication occupait les élèves durant 6 mois en terminale, constituait une synthèse des savoirs et savoir faire, les responsabilisait en les regroupant par équipe de travail.
Il fut pédagogiquement en position de précurseur si l’on considère les pratiques aujourd’hui en vigueur en STI2D.
Les sujets étudiés étaient divers, variés et souvent novateurs : frontoprojecteur, spectrophotomètre numérique, théodolite numérique, appareil photographique numérique, niveau de chantier laser rotatif ou encore télémètre laser infrarouge.
Le lycée « lambda » et la descente aux enfers
2016 voit arriver une nouvelle réforme :
La réunion des BTS génie optique est effective et le tout nouveau BTS SP (Systèmes Photoniques) fait son entrée au lycée.
Les 2 sections initiales sont conservées mais rapidement les effectifs sont en baisse.
L’année 2019 voit disparaître une seconde année de BTS SP.
2020 est l’année du grand ménage au 5ème étage : la totalité de l’atelier de surfaçage constitué des machines d’ébauche, de doucissage et de polissage est vidé pour faire place nette !
Le rectorat de Paris a besoin de « loger » une partie des lycéens du lycée Rabelais en danger d’effondrement.
Ces matériels, parfois récents, avaient presque tous un caractère spécifique au plan national.
Le lycée Fresnel est devenu une variable d’ajustement et un lycée « lambda » sans âme ni projet pour les gestionnaires…
La rentrée 2021 est marquée par la disparition d’une classe de STI2D (effectif 350 élèves et étudiants pour le seul lycée Fresnel).
L’établissement accueille des étudiants des classes préparatoires scientifiques du lycée Fénelon contaminé par le plomb de la toiture de Notre Dame depuis son incendie.
Ils occupent le cinquième étage qui n’a finalement été occupé qu’une petite semaine par les élèves du lycée Rabelais, juste avant le confinement général de l’année précédente.
Malgré des effectifs en hausse dans les classes de BTS SP, les moyens attribués diminuent.
Mars 2022, la nature ayant horreur du vide, le couperet tombe :
la région Ile de France empêtrée dans un imbroglio de gestion immobilière pour le lycée Drouant propose de redéfinir la mission du lycée Fresnel et d’installer cette école hôtelière au bâtiment Pasteur du lycée après une phase de travaux !
(https://www.leparisien.fr/paris-75/lecole-hoteliere-de-paris-de-la-rue-mederic-craint-pour-son-avenir-11-01-2022-WXCHIYJLFRB45MSZERYOAHHY7Y.php
Elle trouve un écho favorable auprès du rectorat de Paris qui s’empresse de libérer la place en proposant de déplacer ce qui doit l’être : les Bac STI 2D et STL disparaitront de l’établissement.
(Voilà qui restreint encore la source de recrutement en BTS)
Les étudiants de BTS Systèmes Photoniques déménageront avec leurs matériels dans l’annexe du lycée au bâtiment Necker dans des conditions qui ne sont pas aujourd’hui précisées mais qui seront inévitablement contraignantes en termes de surface, de moyens et de conditions d’apprentissage.
Le Bac pro lunetterie sera conservé et le BTS opticien lunetier verra sa structure passée de 3 à 2 classes par niveau.
La suite est déjà écrite car si une réforme du BTS SP est en cours et que l’écriture du référentiel d’un nouveau Bac Pro Systèmes Photoniques se finalise cette année sous l’impulsion de la profession, aucune annonce de création de formation n’est décidée pour le lycée Fresnel.
Il est vrai que toute croissance n’est plus possible compte tenu de l’exigüité future des locaux dédiés à l’Optique…
Anciens élèves et professionnels de l’optique
Les anciens élèves sont aujourd’hui présents dans de très nombreuses entreprises, laboratoires d’état, centres de recherche, universités ou écoles spécialisées.
L’amour du travail bien fait et l’application de la rigueur nécessaire aux tâches de précision font qu’ils sont appréciés pour leur efficacité et leurs compétences, parfois au-delà de nos frontières (European South Observatory).
Le spectre des enseignements reçus dans l’établissement a toujours été formateur pour ses élèves mais ils ont aussi développé un esprit de curiosité spécifique les prédisposant aux technologies nouvelles.
A titre d’exemple comment ne pas citer le laboratoire du vide du lycée.
Il est dédié dès sa création dans les années 70 à la production des couches-minces qui modifient le comportement des surfaces optiques, à leurs conceptions et à sa métrologie si spécifique.
Ces techniques de nanotechnologie mettant en œuvre des procédés et dispositifs souvent complexes liés aux sciences de physiques appliquées ont ouvert de nouveaux champs de connaissances et de savoir-faire.
Très rares sont encore aujourd’hui, au plan national, les établissements disposant de tels matériels et compétences dans cette discipline si particulière.
Les anciens élèves du lycée Fresnel se rencontrent dans de nombreux secteurs : production industrielle, secteur de l’armement, domaine médical, ou encore activité spatiale.
On les sollicite également pour piloter les grands instruments scientifiques (télescope géant, chaîne de laser de puissance, etc.).
Ils interviennent lors de l’assemblage et de la mise au point de systèmes complexes en utilisant des techniques spécifiques.
Ils sont présents dans les activités de contrôle et de mesure (LNE), dans les tâches de maintenance de systèmes militaires ou civils.
D’autres encore se sont tournés vers des activités commerciales, diffusent composants et systèmes optique.
Ils sont aussi créateurs d’entreprise et de facto employeurs.
Les grands organismes d’état comme le CNRS, le CNES, le CEA et l’ONERA ont des besoins permanents et réclament davantage de techniciens compétents en optique et en photonique.
Dès 2004, un livre blanc rédigé sous l’impulsion de la SFO (Société Française d’Optique) est remis à la direction de la technologie du ministère de la Jeunesse, de l’éducation et de la recherche.
Il attire l’attention des pouvoirs publics sur les forces et les faiblesses de l’optique en France.
Cet ouvrage collectif et argumenté expose les besoins et réclame des formations renforcées depuis le secondaire jusqu’aux études supérieures en précisant les orientations.
Chacun pourra constater le bien fondé des réformes mises en œuvre par les gouvernants successifs depuis cette date…
Par ailleurs, Photonics France, qui fédère les professionnels du secteur, publie régulièrement des bilans et enquêtes qui démontrent les besoins en termes de personnels qualifiés :
https://www.photonics-france.org/pdf/2021.07%20-%20enqueteEMPLOI-Photonique.pdf
La région ile de France est particulièrement concernée par ce sujet puisqu’elle constitue la première région de France si l’on considère le nombre d’entreprises de la photonique et gère un lycée emblématique qui possède aujourd'hui encore la première place nationale en terme d'effectifs en BTS SP.
Elle devrait donc être le premier défenseur de la profession…