N'expulsez pas les habitant-e-s du squat Bourgogne, relogez-les!

N'expulsez pas les habitant-e-s du squat Bourgogne, relogez-les!
Pourquoi cette pétition est importante
Pétition collective des habitant-e-s du squat Bourgogne – décembre 2022
Nous, habitant-e-s de l’immeuble situé aux 23, 25 et 27 rue de Bourgogne à Strasbourg, avons trouvé un abri dans ce bâtiment depuis un an et sommes menacé-e-s d’expulsion depuis les ordonnances du 29 juillet, du 29 août et du 4 novembre 2022. Nous demandons à Mme Josiane Chevalier, Préfète de la région Grand Est, de ne pas procéder à notre expulsion cet hiver et de nous proposer une solution de relogement adaptée à nos besoins spécifiques, sans distinction de situation administrative ; et à Mme Jeanne Barseghian, Maire de la Ville de Strasbourg, de garantir notre accès aux droits sociaux et fondamentaux ainsi que de donner suite aux plusieurs demandes de logement social déposées par certain-e-s d’entre nous.
Actuellement, nous sommes 223 personnes ayant trouvé refuge dans cet immeuble, dont 72 familles avec plus de 30 enfants, y compris 8 de moins de 2 ans. Nous avons toutes et tous des histoires singulières mais l’absence de solutions d’hébergement ou de logement nous a amené-e-s à trouver un abri dans ce bâtiment du quartier de la Meinau.
Nos situations sont très diverses : en cours de suivi médico-social, en attente de logements sociaux ou de titres de séjour. Nous sommes plusieurs à être intégré-e-s localement, participant à des actions bénévoles, humanitaires. Nos enfants sont scolarisé-e-s et une grande partie de nous travaille.
De nombreuses personnes sont dans des situations médicales compliquées : sous chimiothérapie, en attente de chirurgie, en situation de handicap, sous traitements médicaux... Plusieurs personnes n’ont d’autre choix que d’habiter dans les garages de l’immeuble, faute de pouvoir accéder physiquement aux logements par les escaliers.
C'est le désespoir qui nous maintient ici. Quel être humain pouvant vivre dans un environnement normal souhaiterait vivre dans de telles conditions ?
Nous avons fui nos pays pour de multiples raisons ; des dangers pour nos vies et celles de nos familles, des problèmes de santé ne pouvant être soignés chez nous, des menaces réelles, entre autres des violences conjugales, qui nous empêchent d’y retourner.
Nous sommes nombreux et nombreuses à avoir vécu à la rue, sous tente ou dans des gymnases mis à disposition temporairement par les pouvoirs publics, parfois pendant plusieurs mois et avec des enfants en bas âge, cela malgré toutes nos demandes au 115 qui est complètement saturé. Le gymnase mis à disposition par la Ville de Strasbourg est par exemple déjà complet depuis plusieurs semaines.
Le droit à l’hébergement d’urgence est pourtant garanti de manière inconditionnelle par le Code de l’Action Sociale et des Familles (article L.345-2- 2 du CASF) et le droit au logement est un droit à valeur constitutionnelle. Or, malgré la procédure d’expulsion au tribunal, nous n’avons jusqu’alors pas reçu de proposition ou d’aide à la recherche de relogement comme le prévoit le cadre légal de l’instruction du Gouvernement du 25 janvier 2018 NOR TERL1736127« visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles » (Bulletin Officiel n° 2 du 25 février 2018, NOR : TERL1736127J) et la résolution du Parlement Européen en date du 21 janvier 2021 sur l’accès à un logement décent et abordable pour tous (2019/2187(INI).
Nous sommes parfois jusqu’à 3 familles à vivre dans le même appartement, et depuis le début de l’hiver, nous n’avons plus accès au chauffage ni à l’eau chaude.
Nous prenons acte que le Directeur Général de la société In’li Grand Est, propriétaire du bâtiment, a annoncé qu’il n’y aurait pas d’expulsion avant la trêve hivernale (article du 29/11/2022 DNA). Toutefois, sans chauffage ni eau chaude, nous ne tiendrons pas cet hiver. Le manque de chauffage engendre des surtensions électriques qui nous préoccupent, il est important de le remettre pendant cette période hivernale.
Nous vivons dans l’incertitude et la crainte d’une expulsion et nous vous demandons, Madame la Préfète, Madame la Maire, des solutions de relogement. Nous sommes d’accord pour travailler à ces solutions main dans la main avec vous.
Qu’allons-nous faire le jour où nous serons expulsé-e-s ? Quelles solutions aurons-nous pour ne pas nous retrouver à errer et dormir à la rue avec nos enfants ?
Signée le 7 décembre 2022 par les habitants et habitantes du 23, 25, 27 rue de Bourgogne
Voici quelques témoignages sur nos différentes situations :
1. « Je suis arrivée en France avec ma fille majeure, (qui est) gravement malade. Elle a une maladie oncologique et en France, ils ont tout de suite donné un traitement et on a vécu un moment dans l'hébergement CADA. A la fin de notre demande d’asile, on s'est retrouvées dehors. Ensuite, ma fille a reçu un titre de séjour pour raisons médicales, mais ça ne nous a pas aidé à trouver un hébergement. Sa situation de santé ne s'améliorait pas avec la situation de rue, au contraire, elle se dégradait. En plus de tous les problèmes déjà existants, elle a attrapé le covid et c'est à ce moment-là qu'on nous a parlé du squat. Elle était tellement affaiblie que quand l'ambulance est venue la chercher, elle avait besoin d’aide d'un fauteuil pour se déplacer. Aujourd’hui, elle est toujours sous traitement. On n’a jamais eu cette envie de venir habiter quelque part illégalement mais on n’a pas eu d'autre choix, cela fait maintenant 2 ans que notre demande de logement social est en cours et on attend toujours… »
2. « Nous étions hébergés au gymnase Branly en 2021. Après sa fermeture, nous avons passé deux semaines sous tente. Ensuite, nous avons été chassés de notre tente par la police, qui a coupé son tissu pour nous a fait partir. Nous avons entendu parler de cet immeuble vide et nous y avons trouvé un abri. Nous avons notamment des problèmes de chauffage, et de l’eau chaude seulement deux heures par jour. »
3. « Je suis bénévole dans plusieurs associations dont le Secours Populaire (au comité départemental). Après un refus de ma demande d’asile, je dormais dans la rue, ensuite, je dormais dans un immeuble où je dormais au 13ème étage, dans un couloir. Une collègue m'a dit de venir voir le squat rue de Bourgogne. Il y a déjà 8 mois, j’étais venue plusieurs fois et j'ai réussi à avoir une place... Je vis sans toilettes, sans eau chaude, sans cuisine. Dans mon appartement, il y a des tuyaux abîmés : Alexis m’aide à bricoler chaque mois depuis que je suis là. Il y a également eu 4 ou 5 appartements inondés à cause des fuites, on n’a pas d’argent pour réparer les tuyaux. »
4. « Je viens d'Ukraine, de la ville de Kiev, je suis venu en France à cause de la guerre, ma femme et mes deux jeunes enfants sont restés en Ukraine, parce que les documents ukrainiens avaient expiré. Je suis ici depuis presque trois mois maintenant... »
5. « Avec mon mari, nous étions dans la rue pendant 2 semaines. On attendait une couverture médicale pour des problèmes de santé. Un jour, on a entendu, par compatriotes, l'existence du squat avec plusieurs autres familles. Actuellement, on attend une intervention chirurgicale… »
6. « Au nom des autres personnes qui vivent dans le même appartement que nous, il y a un homme atteint de maladie oncologique, en état avancé, sous traitement. Ils (avec sa famille) vivaient à la rue et comme nous… Son traitement était et est toujours en cours et il avait déjà subi plusieurs opérations. »
7. « Je suis un parent seul, veuf, j’ai 2 enfants. J’étais, moi aussi, à la rue quand quelqu’un m’a parlé du squat. Je suis venu tout de suite avec mes enfants. Je ne reçois aucune aide. Avant, j’étais déjà venu en France avec ma femme, quand elle était malade. On nous avait dit que c’était mieux de rentrer. On est donc rentrés, ma femme est ensuite décédée. A cause d’autres problèmes dans notre pays, j'étais obligé à fuir, à nouveau, avec mes enfants, de 5 ans et 14 ans. »
8. « Je vous prie de prendre en considération ma demande de me joindre à l’appel collectif pour le sursis à exécution d’une décision de justice liée à l’exigence de La Société IN'LI GRAND EST concernant mon expulsion et celles des autres personnes habitant au "squat" des 23, 25, 27 Rue de Bourgogne, 67100 Strasbourg. Je vous prie également de tenir compte du fait que l'exécution de la décision de justice a lieu en hiver. Moi et les autres habitants du "squat" n'avons pas d'autre logement. Et l'exécution d'un avis d'expulsion ne fera qu'exacerber notre situation instable.
Je tiens également à préciser que je suis arrivé en France relativement récemment, le 20 mai 2021, à la recherche de conditions sûres et acceptables pour ma vie et mon avenir. Le 02 août 2021, ici à Strasbourg, on a attenté à ma vie. J'ai été poignardé 18 fois et j’ai été hospitalisé. A ma sortie, la police a pris mon téléphone dans le cadre de l'enquête et ne me l'a toujours pas rendu. En outre, mon appartement a été mis sous scellés, ainsi que tous mes documents et mes affaires. Sorti de l’hôpital avec tous mes bandages, je me suis retrouvé dans un pays étranger, sans parler la langue, sans moyens de communication et sans documents - et j'ai dû rester dans la rue. Mais malgré mes blessures, toutes ces difficultés et les forces de l'ordre françaises, je n'ai pas baissé les bras et continue à me battre pour ma vie...
Après quelques semaines, j’ai découvert un appartement vide près du lac, et j’ai pris l’habitude d’aller y prendre une douche et dormir. Dans cet appartement du "squat", j'ai commencé à m'occuper de ma récupération et des problèmes quotidiens, sociaux et personnels...
Compte tenu de ce qui précède, je fais donc appel à votre générosité et vous demande de m'aider, grâce à un logement, à résoudre mes problèmes quotidiens et les suivants :
1) Apprendre le français pour pouvoir communiquer et donc s'intégrer : j'attends le début d'un cours de français de Pôle Emploi et j'étudie de manière autonome.
2) Récupérer ma santé après la tentative d'assassinat du 02.08.2021 et les blessures du 14.11.2019 et du 23.06.2019 : décision de la MDPH - relative à l’attribution du statut de " Travailleur Handicapé " le 25.08.2022.
3) Une procédure judiciaire relative à une tentative d'attentat à ma vie et à l'octroi d'une indemnisation pour le préjudice qui m'a été causé.
4) Le renouvellement et la restitution de mes documents d'identité (acte de naissance - restauré et traduit le 22.03.2022, Passeport et carte d'identité - en attente de l'émission de nouveaux documents.)
5) Traduction et reconnaissance des documents, diplômes et certificats attestant de ma formation scolaire et professionnelle - en cours.
6) Réintégrer le marché du travail.
7) Rechercher un logement ou obtenir un logement social (domiciliation : CROIX ROUGE FRANÇAISE, La demande de logement social (demandedelogement-alsace.fr) a été déposée.)
Si nécessaire, tous les documents susmentionnés peuvent être soumis par écrit ou par voie électronique.
Pour plus d'informations, vous pouvez également contacter : kiselj7@gmail.com, assistante sociale : a.fresard@horizonamitie.fr, médiateur en santé : edouard.casteuble@maisonsanteneuhof.com »
9. « J’ai des petites enfants. Ma femme a un cancer. S’il vous plaît, ne nous laissez pas dans la rue. S’il vous plaît, prenez notre sort à cœur. Merci beaucoup. »
10. « (Avant de venir au squat), quand on avait un peu d'argent, on avait loué un appartement. Quand il n’y avait plus de possibilité (de le payer), on restait dehors pendant plusieurs semaines. C’est à ce moment-là qu’on a rencontré la famille F. à place de l'étoile et sommes venus ensemble (au squat). »
11. « On connaît aussi un jeune homme qui, après un grave accident, a des séquelles. Il a besoin d'une prise en charge en centre de réhabilitation. Il a un traitement médical mais comme il n’y a pas d'hébergement, les résultats ne sont pas satisfaisants. Maintenant, ça fait 2 mois qu'il habite au squat avec d'autres familles”... “Plusieurs personnes sont en fauteuil et en béquilles et sont obligés à vivre dans les garages car ne peuvent pas monter les escaliers pour habiter dans un appartement ici »
12. « Nous sommes sous stress, surtout notre enfant aîné qui n'a pas envie d'aller à l'école car il craint qu'en son absence, la police arrive, et nous soyons arrêtés pendant qu’ils sont à l'école ».