Refusez la limite de téléconsultation imposée aux Psychiatres : lettre ouverte au ministre

Refusez la limite de téléconsultation imposée aux Psychiatres : lettre ouverte au ministre

Lancée le
8 septembre 2022
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Pourquoi cette pétition est importante

Monsieur le Ministre,


Nous, Psychiatres et Pédopsychiatres libéraux, souhaitons par la présente contester les conditions d’encadrement de la téléconsultation telles qu’elles ont été définies par l’Avenant 9 en avril 2022, et nous vous sollicitons ainsi en faveur :

  1. D’un déplafonnement de l’activité de téléconsultation, actuellement limitée à 20%, avec menace de non remboursement des actes dépassant ce seuil,
  2. D’une prise en charge équivalente à une consultation présentielle, car actuellement le remboursement de certains actes courant, notamment en pédopsychiatrie, n’est pas possible en téléconsultation.

Nous justifions ces demandes par les raisons suivantes :

  • Sur le plan médical, les raisons justifiant de restreindre la pratique de la téléconsultation pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie sont peu compréhensibles, à l’inverse des autres spécialités somatiques, puisque nos spécialités n’impliquent pas d’examen physique en pratique courante et qu’un principe de coordination avec le médecin traitant (qui réalise l’examen physique) est déjà présent.
  • Sur le plan de l’accès aux soins en Santé Mentale, la téléconsultation représente une avancée car elle permet de répondre :
    1. A la problématique des déserts médicaux, particulièrement importants en ce qui concerne la pédopsychiatrie dont la faible attractivité est notamment liée à la faible valeur des actes définis par la CPAM.
    2. Aux limitations d’accès aux soins inhérentes aux problématiques de santé mentale. En effet, qu’il s’agisse des contraintes liées aux symptômes de la maladie mentale elle-même (altération des capacités organisationnelles, évitements anxieux, troubles motivationnels, troubles du comportement dans les transports notamment pour les enfants présentant des troubles du neurodéveloppement comme un trouble du spectre autistique, etc.) ou des contrainte liées aux prises en charge en santé mentale (nécessaire régularité des rendez-vous, traitements psychotropes qui contre-indiquent parfois la conduite, impacts financiers, difficultés d’organisation familiale, difficultés en lien avec l’insertion professionnelle qui fragilisent une adhésion aux soins parfois déjà précaire, etc.). Ainsi, en supprimant les contraintes de déplacement et d’horaires, la téléconsultation offre une réponse aux limites d’organisation qu’impliquent ces rendez-vous répétés, et favorise l’accès aux soins notamment pour les patients qui travaillent.

  • Sur le plan de la qualité des soins en psychiatrie ou pédopsychiatrie, la téléconsultation n’apparait pas comme une prise en charge dégradée ou amoindrie, et il semble même que cela puisse améliorer les soins. En effet, la réactivité qu’elle offre et sa meilleure accessibilité permet une meilleure anticipation et prévention des situations de crise, ce qui permet d’éviter des hospitalisations. En pédopsychiatrie surtout, mais également en psychiatrie adulte, nous observons une meilleure continuité dans les suivis pour les patients présentant des troubles du neurodéveloppement avec des problématiques comportementales limitant les déplacements (qui par ailleurs les déstabilisent). Nous observons également une meilleure implication des deux parents (et des familles), qui ne peuvent que rarement être présent simultanément en présentiel. En supprimant la contrainte d’accessibilité, d’autant plus contraignante qu’il existe une multiplicité d’agendas à coordonner (parents, enfant, psychiatre ou  pédopsychiatre, intervenants paramédicaux ou sociaux, parfois intervenants scolaires, etc.), nous avons pu voir les bénéfices que représente l’opportunité pour les deux parents de se mobiliser ensemble face à des diagnostics et des accompagnements difficiles, où la cohésion du couple est indispensable. Ce phénomène est nouveau et extrêmement positif, là où il était devenu malheureusement normal qu’un seul des parents soit en charge du soin de l’enfant et fragilise sa carrière. En psychiatrie adulte, la téléconsultation favorise l’implication des aidants, ce qui constitut également un élément positif. Dans toutes ces situations, nous avons le sentiment qu'imposer un retour systématique des consultations en présentiel en imposant un quota est un retour en arrière et une perte de chance pour les plus fragiles confrontés à des situations de troubles du comportement trop éprouvantes pour envisager les déplacements, pour ces couples déstabilisés par la maladie d’un enfant, et désunis dans l’accès aux soins, pour ses patients souffrant de troubles organisationnels ou anxieux, etc.

  • Sur le plan du remboursement, il n’apparait pas justifié que la téléconsultation en pédopsychiatrie soit moins bien remboursée en téléconsultation qu’en présentiel. Comme décrit précédemment, le soin est équivalent, voire même meilleur et plus chronophage pour le praticien : meilleure continuité, meilleure coordination avec des consultants pouvant être plus nombreux (les deux parents, un intervenant paramédical, d’autres membres de la famille, etc.), les situations peuvent être également plus complexes (autisme avec troubles du comportement qui ne peut pas se déplacer, trouble anxieux ou dépressif d’un adolescent déscolarisé refusant de sortir de chez lui, etc.). Il y a une double inégalité dans la prise en charge financière de la maladie pour ces familles, qui implique, rappelons-le, des rendez-vous réguliers : des consultations moins bien remboursées, et une balance déficitaire lorsqu’ils viennent en présentiel (frais de garde, de transport, absences au travail) avec une consultation qui peut être de moins bonne qualité (enfant agité, parent seul et éprouvé…). Nous demandons donc un niveau de remboursement équivalent impliquant de pouvoir coter les mêmes actes qu’en présentiel (MPF qui prend d’ailleurs ici tout son sens, MP, MPC, MCS…).
  • Sur le plan de l’attractivité, nous rappelons ici le problème majeur d’attractivité auquel sont confrontés la psychiatrie et la pédopsychiatrie (dont la pratique en secteur 1 est financièrement dissuasive), qui se cumule avec un problème majeur de démographie médicale dans ces spécialités avec 40% des psychiatres et pédopsychiatres qui envisagent de prendre leur retraite dans les 5 ans à venir alors que le nombre de spécialiste n’a jamais été aussi bas, et la spécialité aussi mal choisi aux ECN. Interdire la téléconsultation dans ce contexte, alors que ce n’est pas justifié médicalement, ni cohérent logistiquement, incite à s’interroger sur les leviers de l’attractivité. La CPAM a une responsabilité dans la crise sanitaire actuelle en pédopsychiatrie, en ce qu’elle crée les orientations de pratique par la valeur donnée aux actes, et a ainsi défavorisé le choix de cette spécialité. Précisons ainsi que malgré leur vocation, nombre de pédopsychiatres délaissent leur activité pour de la psychiatrie adulte. Ainsi, au-delà de la question des téléconsultations, les actes de pédopsychiatrie doivent être revalorisés, en tenant également compte des patients âgés de plus de 16 ans qui restent paradoxalement les moins bien remboursés à un âge particulièrement critique sur le plan de l’émergence des maladies mentales.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir considérer la place particulière de la Psychiatrie et de la Pédopsychiatrie vis-à-vis de la
téléconsultation, et de prendre en compte nos patients déjà grandement fragilisés, car cette limitation :

  1. Ne nous parait pas fondée médicalement pour la psychiatrie.
  2. Représente une perte de chance pour certain patients
  3. Privera ceux qui ont pu accéder aux soins dans un contexte de désert médical
  4. Fragilise la continuité des suivis et de l’insertion professionnelle des patients
  5. Ne laisse pas d’alternative à l’hospitalisation pour des situations trop aiguës pour venir en consultation, mais qui auraient pu être stabilisées en téléconsultation avec la coordination de l’entourage.

Cette limitation semble, pour la psychiatrie et pédopsychiatrie, relever plus d’une raison administrative que médicale, ce qui va pourtant être contre-productif, notamment en risquant d’augmenter le nombre d’hospitalisation (évitables), et le nombre de transport conventionnés (notamment en pédopsychiatrie). Par ailleurs, il ne semble pas cohérent que les mêmes cotations ne puissent être appliquées (et donc le même niveau de remboursement) puisque les soins ne sont pas dégradés, et que nous observons plutôt une avancée dans l’égalité à l’accès aux soins en santé mentale, peu coûteuse par ailleurs au regard des économies d’hospitalisations, transports, retards de prises en charge, compatibilité avec une insertion professionnelle et sans déséquilibrer les couples de parents ou les familles.


Dans un contexte de nécessaire rationalisation des dépenses de santé, concentrer l’effort sur l’amont nous semble participer d’une gestion efficace de la santé publique, en limitant les prises en charge plus lourdes et coûteuses en aval, et plus généralement en réduisant l’impact des pathologies psychiatriques sur la collectivité dans son ensemble.


Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre meilleure considération,

Collectif des psychiatres et pédopsychiatres libéraux.

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