N'envoyons pas d'officiels aux JO de Pékin

N'envoyons pas d'officiels aux JO de Pékin

Monsieur le Président,
Vous vous apprêtez à envoyer des diplomates et des ministres français aux Jeux Olympiques de Pékin. Mais plusieurs démocraties — les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie — ont décidé de mettre en place un boycott diplomatique : leurs sportifs se rendront aux Jeux, pas les officiels.
Nous attendons la position de l’Union européenne, que vous allez présider d’ici quelques jours. Mais vous vous êtes déjà exprimé. Vous avez déclaré qu’un boycott diplomatique serait « tout petit et symbolique ». Il est vrai qu’un boycott au sens plein du terme aurait consisté à s’abstenir de jeux et à refuser que les sportifs s’y rendent. Aucune démocratie, semble-t-il, n’y est prête actuellement. L’idée, plus modeste, d’un boycott diplomatique met pourtant Pékin en fureur. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois a réagi à cette « manipulation politique » et a menacé : ceux qui boycottent « paieront inévitablement le prix de ce mauvais coup ». A l’aune de la réaction chinoise, on voit bien, Monsieur le président, que ne pas envoyer nos ministres aux JO ne serait en rien, aux yeux de Pékin, « tout petit et symbolique ».
En revanche dépêcher nos officiels en Chine signifie que la France est indifférente à ce qui s’y passe. Or ce pays est devenu en quelques années un État totalitaire qui menace toutes les démocraties. La Chine de 2022 a son grand leader, objet d’un culte de la personnalité délirant, qui s’apprête à modifier les règles du Parti Communiste pour rester au pouvoir très longtemps. Elle a mis en place un système de surveillance de la vie privée des citoyens et de « crédit social » sans précédent dans l’histoire. Elle dispose d’un appareil de censure et de répression impitoyable. L’enclave de liberté que représentait Hong-Kong a été soumise en quelques mois. On ne peut plus y commémorer le massacre de la Place Tian’anmen, ni y défendre la démocratie. Taiwan se trouve sous la menace grandissante de Pékin. Le pire est en train de se dérouler dans la province du Xinjiang contre les Ouïghours, les Kazakhs et les Kirghiz. Non seulement des centaines de milliers d’innocents sont enfermés dans des camps de rééducation, où l’on tente de leur laver le cerveau, où ils sont victimes de tortures, de violences et de viols, mais Pékin impose des mesures de prévention des naissances, par poses de stérilets forcées, avortement contraints ou ablation de l’utérus. L’objectif est de faire disparaître une culture, une langue, des traditions. Le parti communiste chinois est en train de commettre un ethnocide.
Il faut enfin se rendre compte qu’on ne peut célébrer la grande fête du sport lorsqu’elle est organisée par un État criminel qui est en train de détruire une partie de sa population. L’histoire nous jugera. Si vous refusez ce geste « tout petit et symbolique » consistant à ne pas envoyer nos ministres à Pékin, elle retiendra que certains pays démocratiques, dont la France, ont collaboré, en toute connaissance de cause, avec un pays coupable de crimes contre l’humanité, et d’ethnocide. Être courageux et lucide face à l’histoire n’a rien de « symbolique ». N’envoyons pas de représentants politiques à Pékin.
Nous nous associons à la pétition lancée en France par l'association Youth for Uyghurs dont le compte instagram est : https://www.instagram.com/youthforuyghurs/?hl=fr
Premiers signataires :
Anne Abeillé, linguiste
Jean-Philippe Béja, sinologue
Lucien Bianco, sinologue
Flore de Borde, journaliste
Jean-François Bouthors, journaliste et écrivain
Pascal Bruckner, philosophe
Anne-Lorraine Bujon, éditrice
Laurent Cantet, cinéaste
Leos Carax, cinéaste
Manuel Carcassonne, éditeur
Barbara Cassin, philosophe
Bruno Chaouat, Professeur de littérature
Philippe Claudel, écrivain et réalisateur
François Croquette
Marie Darrieussecq, autrice
Michel Eltchaninoff, essayiste
Annie Ernaux, écrivaine
Romain Goupil, cinéaste
Michel Hazanavicius, réalisateur
Marie Holzman, sinologue
Eva Illouz, sociologue
Pierre Lemaitre, écrivain
Jonathan Littell, écrivain et cinéaste
Olivier Mongin, écrivain et essayiste
Évariste Nicolétis, ingénieur
Catherine Pelachaud, spécialiste en intelligence artificielle
Denis Podalydès, Sociétaire de la Comédie-Française
Sumi Saint Auguste, analyste
Pierre Vesperini, chercheur au CNRS
Joanna Wong, artiste
Frédéric Worms, philosophe
Slavoj Zizek, philosophe
La liste complète des signataires est à retrouver sur le site des Nouveaux Dissidents.