NON A LA REFORME DU LYCEE, NON A LA DESTRUCTION DU SERVICE PUBLIC D’EDUCATION

NON A LA REFORME DU LYCEE, NON A LA DESTRUCTION DU SERVICE PUBLIC D’EDUCATION

Lancée le
1 novembre 2018
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Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par Régis ROUSSILLON

NON A LA REFORME DU LYCEE, NON A LA DESTRUCTION DU SERVICE PUBLIC D’EDUCATION

En tant qu’enseignants de SES, en tous points d’accords avec la déclaration des 37 professeurs de philosophie de l’académie de Rouen, nous tenons à alerter l’ensemble des citoyens et parents sur les méfaits attendus de la réforme du lycée « en marche » pour la rentrée 2019.

 

 En tant qu’enseignants de SES, nous considérons que la réforme du lycée va dégrader les conditions de l’enseignement au lycée

Tout d’abord,    l’impression  d’improvisation et d’amateurisme  éprouvée  lors de la réforme « Parcours Sup » en 2018 a montré combien la plaquette publicitaire d’une réforme est éloignée de la réalité : les documents devant être distribués aux familles étaient souvent distribués la veille dans la nuit par mail aux enseignants, prouvant le degré d’impréparation d’un dispositif mis en œuvre dans l’urgence à marche forcée.

Or la réforme du lycée envisagée actuellement soulève des enjeux encore plus graves, car elle remet fondamentalement les objectifs du lycée républicain en question : ce projet néolibéral vise non plus à former l’ensemble d’une génération et à le doter d’une culture générale et d’un esprit critique indispensable aux citoyen.ne.s  dans une démocratie, mais à économiser les moyens en remplissant les classes de tronc commun à 35 élèves inscrits dans des classes de spécialités différentes, supprimant ainsi dans tous les cours les groupes-classe formés d’élèves bénéficiant des mêmes apprentissages proposés en cohérence dans les séries sur tout le territoire et dans lesquelles les enseignants pouvaient construire une relation pédagogique bénéfique aux apprentissages des élèves. Or cette réforme ne finance plus l’ensemble des ½ groupes jusqu’ici proposés (y compris en langues), réduit les volumes d’heures d’enseignements d’un tiers en terminale puisque beaucoup de matières n’iront pas au-delà du deuxième trimestre de terminale. De surcroît, les moyens d’offrir les diverses spécialités ne seront pas donnés aux lycées publics. Ainsi la palette des formations possibles auxquelles le ministre a fait rêver les familles, ne correspondra pas à la réalité des formations proposées dans tous les établissements.  Les familles  ont ainsi l’illusion d’un choix, alors que déjà dans les établissements, il apparaît que ce choix n’est ni tenable, ni réaliste en termes d’emploi du temps et de moyens donnés.

De plus, cette réforme s’accompagne du développement de la contractualisation en particulier des actuels stagiaires en cours de formation au détriment de la qualité de cette dernière et de leurs rémunérations. Les enseignants seront contraints d’accepter des heures supplémentaires et à accroître leur présentiel dans les établissements alors qu’ils n’ont jamais connu de réduction de leur temps de travail et que celui-ci est déjà bien supérieur aux normes en vigueur dans le privé. Cette détérioration des conditions de travail va se répercuter inévitablement sur les apprentissages, il faudrait être naïf pour croire le contraire. Combien encore imaginent, hormis les « réformateurs en marche » qu’un enseignant arrive devant une classe de 35 élèves sans avoir rien préparé ni corrigé ?!

L’Ecole n’est pas une entreprise et ne peut être organisée sur le modèle entrepreneurial. Elle est le lieu de l’émancipation des élèves, futurs citoyens, et aucunement une usine à matière grise dont la productivité serait mesurable et améliorable par des mesures incitatives pensées par l’économie néoclassique : c’est l’esprit de service public qui la domine , et qui seul peut la faire fonctionner. Introduire des critères de différenciation en son sein, c’est nier le projet commun d’Education Nationale qui la meut depuis 1882.

En tant qu’enseignants de SES, nous considérons que la réforme du lycée va produire des effets déplorables sur les inégalités

Cette réforme est inégalitaire, et vise à préorienter les élèves le plus tôt possible : les choix effectués dès la seconde auront désormais une incidence sur les possibilités d’études supérieures. Or, les familles devront effectuer des choix, alors même que les C.I.O. (Centres d’Information et d’Orientation) menacent d’être fermés sur le territoire. Les familles devront effectuer ces choix sans nécessairement comprendre que cette réforme est élitiste, car elle va éliminer de nombre de débouchés toute une partie des lycéens actuels en les privant dès la première d’un tronc commun en mathématiques, indispensables pour une culture commune des citoyens. Le lycée actuel, avec ses filières, était beaucoup plus lisible pour les familles, qui voyaient plus facilement les débouchés qu’une filière proposée, alors qu’un lycée censé être « à la carte » va proposer, pour 3 choix parmi 7 spécialités, 35 combinaisons possibles. Comment conseiller alors les familles ? Les cabinets de conseils privés et de coaching qui ont fleuri avec ParcourSup  se réjouissent d’avance du brouillard dans lequel les familles vont se retrouver. D’autant que, des cours seront remplacés par de l’évaluation pour le baccalauréat et de l’orientation : comment s’orienter avec une formation moins importante ?

Car la réforme du Lycée est en effet aussi celle du baccalauréat. Le contrôle continu sur l’ensemble du cycle, ainsi que les épreuves communes et les épreuves terminales et anticipées contraindront la progression dans les apprentissages et limiteront la réflexion qui pouvait s’appuyer sur des connaissances croisées entre les différents chapitres et qui sera remplacée par un bachotage imbécile de liste de connaissances non maîtrisées dans des classes de 35 élèves composées d’élèves qui n’auront pas tous suivi des mathématiques dès la première !

 

En tant qu’enseignants de SES, nous considérons que la réforme du lycée va dénaturer le sens de l’enseignement de notre discipline et de l’enseignement au lycée de manière générale

L’identité de la série B créée en 1966, devenue série ES, s’est constituée autour d’une  « Troisième culture », ni seulement littéraire, ni seulement scientifique, mais visant à donner aux élèves des outils d’intelligibilité du monde économique et social qui les entoure. Cette série est une réussite, auprès des élèves et des formations du supérieur puisqu’aujourd’hui, un bachelier général sur 3 a un bac ES. Le désintérêt croissant pour la filière L avait conduit le Ministre Darcos à chercher à transformer le lycée, et son ancien directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), l’actuel Ministre, n’a pas perdu de vue l’objectif que le lobbying patronal poursuit : remettre en question le socle commun économique social et politique indispensable à tout citoyen dans une société démocratique. Limiter l’enseignement des SES à une approche économique principalement centrée sur l’analyse microéconomique du marché, tout en niant les apports de l’anthropologie, de l’histoire économique et sociale, c’est refuser de donner les clefs aux élèves pour comprendre le monde contemporain.

En termes de spécialités proposées, doit-on laisser les familles se leurrer en  inscrivant leurs enfants dans une spécialité étiquetée Histoire, géopolitique et science politiques alors qu’elle supprime toute la socialisation politique et l’analyse du comportement électoral aujourd’hui enseignés en Sciences Sociales et Politiques ?

En terme de contenus, la liste serait longue des sujets et notions que les programmes qui ont été présentés vont nous interdire d’enseigner : il ne faut plus parler de structure sociale, de PCS, de classes sociales, de rapports de pouvoir et de domination ni même de conflits et d’inégalités. La sociologie de l’immigration est également une grande absente, du regard que l’on va proposer aux élèves, alors même qu’elle constitue aujourd’hui encore une question vive pour nos démocraties. Le marché, par contre, occupe plusieurs chapitres – un sur deux chapitre d’économie en seconde, trois sur cinq chapitres d’économie en première, dans une approche néoclassique dogmatique qui ne questionne pas le modèle, sa nature et ses limites : pourquoi réduire l’analyse économique du monde à celle d’un modèle critiqué depuis des décennies car il revendique l’invariance historique et l’universalité de rapports sociaux pacifiés ? Pour discréditer cette discipline qui ne saurait produire d’autres savoirs que des fables à propos de mondes imaginaires ou pour tromper les élèves sur sa visée idéologique ? Pourquoi ne pas les confronter à d’autres modèles qui tiennent compte du contexte historique et social en prenant en compte les innombrables constructions sociales qui interagissent avec les pratiques et les structurent profondément – le droit la monnaie, l’Etat, les normes de toutes sortes et, plus largement, les institutions – et analyser la dynamique des relations sociales à partir d’une vision des conflits qui les traversent tant dans le champ économique que social et politique comme cela se fait aussi à l’Université ? En fin de seconde comme en fin de première, les élèves n’auront pas entendu parler du capitalisme, du chômage, des crises un comble en cette nouvelle période de fébrilité des marchés financiers, dans le monde mais aussi au cœur même de l’Europe et un choix incompatible avec la mission de service public de l’enseignant qui est tenu à une neutralité et non à une catéchèse néolibérale prônant la concurrence libre et non faussée…

Cette réforme marginalise les SES qui occupaient une place centrale dans la série ES, articulée autour de disciplines dont les programmes avaient été construits dans une optique de cohérence globale de la filière, adaptée aux enjeux de formation à la compréhension du monde économique et social complexe dans lequel les élèves vivent.

Enfin cette réforme remet en cause la démocratie par la diffusion d’une pensée unique dans l'éducation lorsque le climat économique et social est déjà délétère. Face aux crises écologiques, de l'emploi, des migrants, de la pauvreté et de l'exclusion, l'urgence éducative doit se trouver aussi dans la prise de conscience de ces enjeux, prise de conscience qui ne peut voir le jour avec ce projet néolibéral qui repose sur un dogme déconnecté des réalités actuelles.

 

Aussi, nous dénonçons vivement cette réforme et nous nous y opposons. Nous interpelons les universitaires, les élèves et les familles, ainsi que la société civile sur la nécessité de maintenir la série ES dans sa cohérence actuelle, pour que les élèves de demain ne soient pas les moutons que ce projet ministériel cherche à produire. Nous nous associons aux collègues des autres disciplines, dans le secondaire comme dans le supérieur, qui ont dès le mois de juin dénoncé les méfaits de cette réforme.

Premiers signataires:

Marianne Fischman, Jean Lawruszenko, Régis Roussillon,

Professeur.e.s de SES ( Sciences Economiques et Sociales)

Tous les soutiens des SES sont bienvenus ( universitaires, enseignants d'autres disciplines, de SES, élèves, parents,syndicats, etc.).

 

 

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