Universités : refusons le mur de l’argent

Universités : refusons le mur de l’argent

Lancée le
5 janvier 2019
Signatures : 2 422Prochain objectif : 2 500
Soutenir maintenant

Pourquoi cette pétition est importante

Lancée par Vincent MESSAGE

Officiellement, le programme s’appelle « Bienvenue en France », et il se fixe l’objectif louable de mieux accueillir les jeunes du monde entier sur les campus de nos universités. Mais à y regarder de plus près, c’est un mur de l’argent que le gouvernement est en train de construire contre les étudiants étrangers. Le 19 novembre, le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé une hausse sans précédent des droits d’inscription pour les étudiants étrangers qui ne sont pas issus de l’Union Européenne : à 2770 euros par an en Licence et à 3770 euros en master et en doctorat, les droits annuels se verraient multipliés par 15.

 
Cette mesure ne figurait pas dans le programme d’Emmanuel Macron. Prise par décret, sans débat démocratique, elle intervient quelques mois après la mobilisation contre le renforcement de la sélection à l’université – qui a pourtant montré combien nos communautés universitaires sont attachées au principe d’égal accès à l’enseignement supérieur.
 
Le discours d’Édouard Philippe laisse entendre que le faible coût des diplômes serait la première motivation des étudiants qui viennent en France. L’argument est honteux : les enseignants qui ont eu dans leurs cours des étudiants internationaux savent combien ils sont attachés à ce que la France représente dans le monde, et avec quelle énergie ils participent à la vie intellectuelle et culturelle du pays.
 
Présentée comme une mesure d’« équité solidaire », cette augmentation des droits, qui ne semblent pas en l’état du projet indexés sur les revenus des parents, menace d’abord les étudiants les moins fortunés : 21.000 bourses seulement sont prévues, pour 340.000 étudiants étrangers à l’heure actuelle. La plupart d’entre eux ne peuvent absolument pas se permettre ni de payer ces droits, qui représentent pour leurs budgets des sommes considérables, ni de grever leur avenir en s’endettant auprès des banques. C’est donc tout simplement à leur rêve d’étudier en France que cette mesure met fin. La « stratégie d’attractivité » du gouvernement se résumerait alors à dire : étudiants pauvres, dehors.
 
Le gouvernement affirme vouloir attirer des étudiants des pays émergents, Chine, Brésil, Russie, et inciter au contraire les étudiants du Maghreb et d’Afrique francophone (qui représentent 45% des étudiants étrangers en France) à étudier dans des programmes implantés dans leurs pays d’origine. Cette sélection selon la richesse et l’origine géographique est insupportable. C’est un coup porté à la francophonie comme institution et à la solidarité que nous devons aux autres pays de cet espace linguistique. C’est aussi un coup porté au français comme langue d’enseignement dans le monde.
 
Ne nous-y trompons pas : il ne s’agit pas d’un simple décuplement des droits mais d’un changement de paradigme. Alors que la France est un des pays développés qui consacre le moins d’argent à l’enseignement supérieur, la réponse du gouvernement au sous-financement des universités consiste à leur demander de faire payer tous leurs étudiants, y compris les plus pauvres. Au lieu de considérer l’enseignement supérieur comme un investissement dans l’avenir du pays, financé à la hauteur des besoins par la collectivité, le gouvernement voudrait nous faire entrer dans la logique de l’usage, où des institutions vendront des services aux personnes assez riches pour se permettre de les acheter. Si nous ne réussissons pas à contrer cette mesure, il est évident que les droits d’inscription augmenteront ensuite pour les étudiants de l’Union européenne, puis pour tous les étudiants français – comme l’a hélas recommandé un rapport récent de la Cour des comptes.
 
Au lieu de se mettre à la remorque des modèles anglo-saxons d’université payante, regardons les zones d’ombre de ce modèle : aux États-Unis, la dette étudiante atteint 1500 milliards de dollars et menace l’équilibre de l’économie. Obligés de rembourser des prêts parfois sur des décennies, les diplômés ne peuvent plus choisir leurs carrières et ont de grandes difficultés à accéder à la propriété ou à fonder une famille. Si la France est le quatrième pays d’accueil des étudiants internationaux, c’est précisément parce qu’elle est le champion mondial d’un autre modèle, dont nous pouvons être fiers : celui d’un pays qui considère que le savoir n’est pas un service comme un autre.
 
C’est la raison pour laquelle nous demandons au gouvernement le retrait de cette mesure et l’ouverture d’un débat national sur le financement des universités. Nous appelons tous les citoyens, quelles que soient leurs sphères d’activité, à soutenir cet appel et à défendre ce bien commun qu’est un enseignement supérieur accessible à tous. Refusons ce nouvel obstacle à la justice sociale. Ne laissons pas le mur de l’argent monter toujours plus haut.

Vincent Message et Sylvain Pattieu 

Écrivains, enseignants à l'Université Paris 8 Saint-Denis

 

Rejoignez les cent premiers signataires :

Sebnem Adiyaman, étudiante en sociologie ; Isabelle Adjani, actrice ; Fleur Albert, cinéaste ; Tamara Al Saadi, metteuse en scène ; Ariane Amado, juriste ; Riad Amine Ben Mami, doctorant en sciences politiques ; Kader Attia, artiste ; Salim Bachi, écrivain ; Pénélope Bagieu, dessinatrice ; Aurélien Barrau, physicien ; Pierre Bayard, professeur de littérature à l’université ; Baptiste Beaulieu, écrivain ; François Beaune, écrivain ; José Maria Becerril Aceves, masterant en sciences sociales ; Ludovic Bergery, réalisateur ; Arno Bertina, écrivain ; Romain Bertrand, historien ; Laurent Binet, écrivain ; Juliette Binoche, actrice ; Luc Boltanski, sociologue ; Bertrand Bonello, réalisateur ; Christophe Bonneuil, historien ; Lucie Borleteau, réalisatrice ; Guillaume Brac, réalisateur ; Atlal Brahimi, doctorant en histoire ; Laurent Cantet, réalisateur ; Philippe Chapuis, réalisateur ; Carolina Córdova, masterante en études de genre ; Catherine Corsini, réalisatrice ; Simon Dansereau-Laberge, étudiant en création littéraire ; Sabrina Delattre, avocate ; Diadié Dembele, étudiant en création littéraire ; Claire Denis, réalisatrice ; Sylvain Desclous, réalisateur ; Hervé Dole, physicien ; Pierre Ducrozet, écrivain ; Annie Duperey, actrice ; Mathias Énard, écrivain ; Arnaud Esquerre, sociologue ; François Farellacci, réalisateur ; Pascale Ferran, réalisatrice ; Jenny Frinchaboy, juriste ; Jean-Michel Frodon, critique ; Gauz, écrivain ; Aurélia Georges, réalisatrice ; Yann Gonzalez, cinéaste ; Sven Hansen-Løve, écrivain ; Arthur Harari, réalisateur ; Reda Kateb, acteur ; Maylis de Kerangal, écrivain ; Rachel Khan, actrice ; Nadia Yala Kisukidi, philosophe ; Cédric Klapisch, réalisateur ; Cloé Korman, écrivain ; Lola Lafon, écrivain ; Joachim Lafosse, réalisateur ; Vincent Lahouze, écrivain ; Clara Laperrousaz, réalisatrice ; Laura Laperrousaz, réalisatrice ; Mathieu Larnaudie, écrivain ; Mathilde Larrère, historienne ; Marion Lary, cinéaste ; Inès Leonarduzzi, entrepreneure ; Aïssa Maiga, actrice ; Siga Maguiraga, masterante en histoire ; Valérie Manteau, écrivain ; André Markowicz, écrivain ; Paul Marques Duarte, réalisateur ; Guillaume Meurice, journaliste ; Christine Montalbetti, écrivain ; Mathieu Nicolas, écrivain ; Rithy Panh, réalisateur ; Raoul Peck, réalisateur ; Benoît Peeters, écrivain et scénariste ; Michelle Perrot, historienne ; Camila Perruso, doctorante en droit ; Néhémy Pierre-Dahomey, écrivain, doctorant en philosophie ; Thomas Piketty, économiste ; Nicolas Philibert, cinéaste ; Pascal Rambert, écrivain ; Aude-Léa Rapin, réalisatrice ; Éric Reinhardt, écrivain ; Carolina Rezende, masterante en histoire ; Stéphane Rizzi, réalisateur ; Olivia Rosenthal, écrivain ; Carlo Rovelli, physicien ; Lionel Ruffel, professeur de littérature à l’université ; Christophe Ruggia, réalisateur ; Lydie Salvayre, écrivain ; Thomas Salvador, réalisateur ; Pierre Salvadori, réalisateur ; Mbougar Sarr, écrivain, doctorant en philosophie ; Ariana Sullivan, masterante en théorie de la littérature ; Justin Taurand, producteur ; Sami Tchak, écrivain ; Lilian Thuram, Président de la Fondation Éducation contre le racisme ; Karidja Touré, actrice ; Françoise Vergès, politologue ; Vanessa Wagner, pianiste ; Alice Zeniter, écrivain.

Soutenir maintenant
Signatures : 2 422Prochain objectif : 2 500
Soutenir maintenant