Sauvons les grands singes

Sauvons les grands singes
Lettre ouverte
De
Nathalie Baye, actrice
Sabrina Krief, professeure du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), spécialiste de l'écologie des chimpanzés
Laurence Parisot, présidente d’honneur du MEDEF
Patrick Roger, chocolatier et sculpteur
Yann Wehrling, conseiller de Paris et conseiller régional d'Ile de France
À
Emmanuel Macron, Edouard Philippe, Nicolas Hulot et Jean-Yves Le Drian:
Pour que la France engage un plan d'urgence pour sauver les grands singes de l'extinction
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Transition écologique et solidaire, Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères,
Nous vous interpellons pour que notre pays s’engage à tout faire pour sauver les derniers grands singes vivant à l’état sauvage sur notre planète.
Dans une trentaine d’années à peine, si nous ne faisons rien, ils auront disparu. Déjà, ils ne sont plus que quelques milliers à vivre, ou plutôt survivre, dans les forêts d’Afrique et d’Asie du Sud-Est.
Tous les enfants qui ont eu la chance de visiter un Muséum ont appris et compris la terrible histoire du dodo. Et, nous, adultes, restons sans voix devant les reproductions grandeur nature de cet oiseau, exterminé il y a à peine 300 ans. Nous ne verrons jamais de dodo. Combien d’entre nous se sont dits que les hommes d’alors étaient stupides, qu’ils ne savaient pas la faute irréparable qu’ils étaient en train de commettre ?
Mais dans 20 à 50 ans, de notre vivant pour la plupart d’entre nous, nous aurons peut-être à pleurer la disparition des orangs-outans, des gorilles et des chimpanzés. Nous nous dirons que nous avons été stupides, mais nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas qu’ils sont braconnés, piégés, massacrés et qu’on détruit leurs habitats, les forêts tropicales, où vivent aussi 70% des plantes de la planète, 80% des insectes. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas que nous partageons avec eux plus de 98% de notre patrimoine génétique, faisant d’eux et de nous les membres d’une seule et même famille : les Hominidés. Nous savons aujourd'hui que le plus proche parent du chimpanzé n'est pas le gorille ...mais l'humain ! Nous ne pourrons pas dire que nous avons ignoré qu’ils étaient « des nôtres » et qu’à ce titre, c’est notre conscience d’humains qui aurait dû être ébranlée. Nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas remarqué que leur regard, leurs mains, leurs oreilles sont si similaires aux nôtres. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas que leurs capacités cognitives et psychiques, que leurs comportements sociaux et affectifs, étaient si proches des nôtres.
Nous nous émerveillons de découvrir qu’ils savent sélectionner des plantes médicinales pour se soigner, fabriquer des outils pour se nourrir, qu'ils ont des cultures, pratiquent la danse de la pluie mais nous les laissons disparaître… Au cours des 50 dernières années, alors que nous commencions seulement à découvrir ces incroyables cousins en les observant en Afrique et en Asie, 70% de leurs effectifs disparaissaient dans leur habitat naturel et avec eux les trésors de la forêt tropicale, vitale aussi pour nous, humains. En participant à leur régénération, les grands singes sont les jardiniers de ces forêts dont dépendent directement des millions de personnes parmi les plus pauvres de la planète et indirectement, l’humanité entière. Notre avenir est lié au leur, nous avons besoin d’eux pour ralentir le changement climatique.
C’est notre conscience, notre responsabilité, et notre humanité profonde en réalité, qui nous dictent l’impérieuse nécessité de lancer aujourd’hui ce cri.
Nous voulons alerter toutes celles et ceux qui peuvent agir de le faire maintenant et par tous les moyens dont ils disposent. En effet, nous pouvons dès maintenant, ici et là-bas, réduire les menaces qui pèsent sur nos cousins d'évolution, sauver avec eux, pour eux et pour nous, la biodiversité dont les forêts tropicales sont le refuge, et amorcer plus largement la reconnaissance d’un minimum de droits pour des espèces menacées emblématiques et porte-drapeau de la biodiversité.
Car, nous ne pouvons nier le rôle que nous jouons dans leur disparition. Nos actions et notre consommation ICI les déciment. Nos entreprises LA-BAS les abiment. Donnons à la France la chance d'être pionnière dans ces initiatives et de les porter à l'International.
Passons aux actes ! C’est un plan d'urgence composé de mesures concrètes qu’il nous faut entreprendre:
Que la France prenne, sur cette cause, le leadership à l’International et à l’UNESCO en portant le projet d'une résolution reconnaissant une valeur particulière des grands singes comme espèces patrimoine mondial de l'Humanité,
Qu’elle prenne l’engagement d’un objectif de "zéro déforestation" des habitats des grands singes en Afrique et en Asie, notamment au travers de sa commande publique,
Qu'elle mette en oeuvre toutes les mesures destinées à stopper le commerce illégal d'espèces de Grands Singes, de minerais (notamment le coltan) et d'espèces végétales de leur habitat,
Qu’elle porte au niveau européen un objectif de réduction massive de l'usage de l’huile de palme, en particulier dans les agro-carburants,
Que sur son territoire, soit dorénavant clairement interdit l’usage des grands singes dans les cirques et les spectacles, sur les plateaux TV et dans les publicités,
Que les entreprises françaises fassent tout ce qui est de leur responsabilité pour protéger et ne pas nuire aux grands singes et à leur habitat. Que ces actions soient reconnues et valorisées au travers d’un label « Ape-safe »,
Que tous, Etats, collectivités locales, entreprises, orientent leurs programmes d’aides financières en direction des projets et des pays qui protègent et restaurent les forêts tropicales.
Cher Nicolas Hulot, nous comptons sur vous pour mettre la sauvegarde des grands singes à l’ordre du jour de vos projets prioritaires pour la préservation de la biodiversité et l'amélioration de la condition animale.
Nous vous demandons également, Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres, d’actionner un levier fort : celui du symbole.
Proposez au Parlement l’adoption d’une loi reconnaissant, dans notre droit, aux 7 espèces de grands singes, un statut législatif particulier de personnes non humaines. Par cette loi, et aussi par le plan d’action d’urgence que nous avons esquissé ici, la France portera un symbole très fort : celui de donner aux grands singes un « droit à vivre ».
Liste des premiers signataires (par ordre alphabétique) :
Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture
Serge Bahuchet, professeur du MNHN, éco-anthropologue
Erwan Balanant, député du Finistère
Alain Baraton, jardinier en chef du parc du château de Versailles
Brigitte Bardot, présidente de la Fondation Brigitte Bardot
Delphine Batho, députée des Deux Sèvres, ancienne Ministre de l'écologie
Claude Beata, vétérinaire spécialiste du comportement des animaux
Jean-Michel Bertrand, réalisateur, auteur de "La Vallée des Loups"
Bruno Bich, ex-PDG du groupe Bic
Gilles Boeuf, professeur Sorbonne-Universités, spécialiste de biologie marine
Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux
David Bouvet, chef d'entreprise (Coq en Pâte)
Norin Chai, vétérinaire en chef de la Ménagerie du Jardin des Plantes, MNHN
Frédérique Chlous, professeure du MNHN, anthropologue
Yves Coppens, professeur au Collège de France, paléontologue, Membre de l’Académie des Sciences
Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du logement
Denis Couvet, professeur du MNHN, écologue
Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique
Cécile de France, actrice
Barbara Demeneix, professeur du MNHN, spécialiste des perturbateurs endocriniens
Boris Diaw, international français de Basket-ball
Loic Dombreval, député des Alpes Maritimes, président du groupe d'étude condition animale à l'assemblée nationale
Albert Dupontel, réalisateur et acteur
Patricia Gallerneau, députée de Vendée, vice-présidente du groupe d'étude condition animale à l’assemblée nationale
Hyppolite Girardot, acteur
Arnaud Gossement, avocat
Thomas Grenon, directeur général du Laboratoire National de métrologie et d'essais
Florent Guhl, directeur de l'Agence Bio
Francis Hallé, botaniste spécialiste des forêts tropicales
Evelyne Heyer, Professeure du MNHN, anthropologue
Annabelle Jaeger, présidente du Comité Français de la Fondation Prince Albert II de Monaco
Jean Jouzel, climatologue, Membre de l’Académie des Sciences
Arno Klarsfeld, Avocat
Mélanie Laurent, actrice
Maud Lelievre, déléguée générale des Eco-Maires
Frédéric Lenoir, philosophe et écrivain, président de l'association "Ensemble pour les animaux"
Shelly Masi, maître de conférences du MNHN, spécialiste du comportement des gorilles
Philippe Michel-Kleisbauer, député du Var
Jean-Pierre Mignard, avocat
Nicolas Vanier, écrivain, voyageur du froid, écrivain, réalisateur
Pascal Picq, maître de conférences au Collège de France, paléoanthropologue
Emmanuelle Pouydebat, directrice de recherches au CNRS et au MNHN, biologiste de l'évolution des comportements des animaux
Audrey Pulvar, présidente de la Fondation pour la Nature et l’Homme
Pierre Quintard, président de l’institut Jane Goodall France
Richard Ramos, député du Loiret
Charlotte Rampling, actrice
Jacques Rocher, président de la Fondation Yves Rocher
François Sarano, océanologue
Louis Schweitzer, président de la Fondation Droit animal, éthique et sciences
Benoit Solès, comédien
Eric Straumann, député du Haut-Rhin
Union internationale pour la conservation de la nature, cette lettre ouverte est soutenue par le Comité français de l’UICN pour qui les grands singes figurent parmi les espèces emblématiques du déclin de la faune sauvage de la planète, à protéger d’urgence.
Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002
Laurence Vichnievsky, députée du Puy de Dôme, ancienne magistrate
Cédric Villani, mathématicien, député de l'Essonne, Membre de l’Académie des Sciences