Pour une pluralité ouverte des recherches, des langues et des formations en Psychologie

Pour une pluralité ouverte des recherches, des langues et des formations en Psychologie

5 631 ont signé. Prochain objectif : 7 500 !
Lancée le
Adressée à
André SIROTA (CPPLF) et

L'importance de cette pétition

Lancée par CPPLF

La CPPLF s'est constituée afin de

« Promouvoir des concertations, en vue de définir les meilleures conditions de garantie d’existence et de qualité scientifique des publications, dans le respect des règles déontologiques et des principes éthiques. À cette fin, elle rassemble des acteurs et instances qui concourent à la publication, à la diffusion, à la conservation et à la valorisation des travaux de psychologie, par l’édition de revues, d’ouvrages, imprimés ou numériques. »

Pour une pluralité ouverte dans les recherches, les langues et les formations en psychologie.

 

 

à Madame Frédérique VIDAL

ministre de l'Enseignement supérieur

de la Recherche et de l'Innovation

1, rue Descartes -  75005 - PARIS

 

Madame la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation,

 

Au nom des collègues produisant des travaux de psychologie et de ceux qui les publient dans les revues qu'ils dirigent, nous, la CPPLF, souhaitons attirer votre attention sur cette discipline et les revues de langue française.

Nous avons appris que la 16e section du CNU, celle de Psychologie, malgré une absence de consensus, a décidé de demander aux enseignants-chercheurs en poste ou candidats sur les postes des universités françaises, de favoriser les revues bien cotées par une « agence de notation », celles-ci, pour la plupart, étant de langue anglaise. En conséquence, sans considération de l'ensemble des qualités d'une candidature, à l’avenir, une demande d’inscription sur la liste de qualification aux fonctions de professeur sera prise en compte si, et seulement si, le dossier déposé comprend, au minimum, deux publications sur un support « bien noté », un ouvrage dit international pouvant valoir pour l’une de ces deux publications.

Pour nombre des spécialités de la Psychologie, ces dispositions correspondent à une prescription abusive aux auteurs afin qu’ils se soumettent et renoncent à la langue française comme langue de travail scientifique et de communication internationale. Si elles étaient maintenues, ces dispositions porteraient atteinte à la pluralité de la psychologie, aboutiraient à son dessèchement, provoqueraient enfin, la disparition des revues scientifiques francophones. C'est pourquoi, Madame la ministre, la CPPLF souhaite être reçue.

Explicitons : ces dispositions s’en remettent aux dénommés « Quartiles Scimago » d’Elsevier[1] — un éditeur privé — qui sont des indices quantitatifs arbitrairement désignés comme « qualifiants » et comme seuls aptes à décerner le label de scientificité, à l’exclusion de tout autre critère d’évaluation, puisque ces Quartiles vont être utilisés comme critère d'exclusion.

Finalement, le CNU 16e section se met en dépendance, pour décider de la qualification des enseignants-chercheurs, les professeurs notamment, du système de notation appelé « Scimago », organe privé. Or, par les critères seulement quantitatifs adoptés par cette agence, (Cf. les "Quartiles" 1, 2 et 3, que la base de données Scimago prescrit), la grande majorité des revues de psychologie bien notées et déclarées qualifiantes sont des revues en langue anglaise et plus particulièrement nord-américaines.

 

Devons-nous nous soumettre à une nord-américanisation de la pensée et de l’université qui ne peut conduire qu'à un appauvrissement des sciences psychologiques par une uniformisation des approches ? Ce serait tout à fait contraire à ce qui fonde et nourrit l’esprit scientifique et la vie intellectuelle dans nos universités.

Pourtant, le rapport intitulé : « Du bon usage de la bibliométrie pour l’évaluation individuelle des chercheurs » de l’Académie des Sciences (Institut de France)[2], comme la Déclaration de San Francisco sur l’évaluation de la recherche (San Francisco Declaration on Research Assessment)[3], ainsi que le Comité d’Éthique du CNRS (COMETS)[4] dénoncent les dérives de la bibliométrie. Ils alertent aussi sur les fraudes scientifiques observées qu’ils expliquent par cette surestimation de la bibliométrie. Ils recommandent de ne pas utiliser ces indicateurs pour évaluer la qualité d’articles de recherche, pour évaluer la contribution d’un chercheur, et par voie de conséquence, lors des recrutements, ou des promotions ou des attributions de financements.

Bien entendu, l’ouverture internationale d’une discipline est constitutive des volontés et des pratiques des chercheurs et travaux et revues que nous représentons. Ils s’y emploient depuis longtemps, notamment, par les échanges interuniversitaires et des publications dans différentes langues. Cependant, il ne faudrait pas oublier une évidence : en sciences humaines et sociales, plus particulièrement, ce qui est pensé et écrit dans une langue, ne trouve pas toujours une traduction adéquate dans une autre. Quant à elle, la psychologie française connaît un important développement dans le monde francophone et notamment chez les locuteurs, hispaniques, italophones et lusophones partageant notre langue et notre culture. Voudrait-on réduire l’audience des articles lus par nos collègues de culture romane ? Soulignons que les publications francophones sont recherchées et lues par les professionnels praticiens.

Ce sont donc, les chercheurs, les équipes, les universités, les revues, leurs comités de lecture internationaux et les éditeurs de travaux de langue française qui vont se trouver, à terme, désignés comme sans valeur, puis, ignorés. Si la « biodiversité » des approches et des travaux de Psychologie de langue française se rétrécit, ce sont les missions même de l’Université qui vont s’en trouver profondément restreintes. Le rayonnement de la langue française dans le monde, via les travaux de psychologie, s’en trouvera étouffé. L’opération de déqualification des revues de langue française, à laquelle le CNU, dans sa majorité actuelle, semble vouloir s'employer, n’est en aucune façon justifiée, de même que la survalorisation des publications en langue anglaise.

Transformer un outil de communication d’un éditeur privé en critère de recrutement dans la fonction publique pose un problème de fond, allant à l’encontre des principes de neutralité et d’indépendance inhérents aux responsabilités universitaires et aux missions des établissements publics. Eu égard à la volonté de méconnaissance des travaux de plusieurs spécialités de la psychologie contemporaine que ces récentes dispositions traduisent, d’une part, et au dénigrement de la langue française comme langue scientifique et internationale, d’autre part, nous souhaitons vivement vous rencontrer, ou être reçus par l'un de vos conseillers pour nous entretenir de l’avenir de notre discipline.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à notre lettre et nous vous prions d’agréer, madame la ministre, l’assurance de notre parfaite considération.

Pour la CPPLF, André SIROTA,

professeur émérite de psychopathologie sociale clinique, Université Paris Nanterre

sirota@parisnanterre.fr

 



[1] - qui a lancé la base de données SCOPUS et ses subdivisions en quartiles SCImago : https://www.elsevier.com/solutions/scopus
[2] - http://www.academie-sciences.fr/fr/Rapports-ouvrages-avis-et-recommandations-de-l-Academie/du-bon-usage-de-la-bibliometrie-pour-l-evaluation-individuelle-des-chercheurs.html
[3] - http://www.ascb.org/dora/
[4] http://www.cnrs.fr/comets/IMG/pdf/avis_me_tiers_2_.12_02_14-2.pdf

 

 

 

 

 

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