AU LYCÉE, L'ÉDUCATION DOIT RESTER PRIORITAIRE !

AU LYCÉE, L'ÉDUCATION DOIT RESTER PRIORITAIRE !
En cette rentrée, Blanquer balaye d’un revers de main la clause de sauvegarde pour les lycées de l’éducation prioritaire. Nombre d’entre eux ont connu ces dernières années de fortes coupes dans leurs dotations horaires, entraînant suppressions de postes et augmentation des effectifs par classes, et voici que s’envolent à présent les bonifications qui permettaient de stabiliser les équipes éducatives ainsi que la prime ZEP.
Environ 100 € bruts par mois, près de 1200 € par an : c’est la perte de rémunération que subissent, depuis la fin du mois de septembre, les personnels des lycées qui relèvent, ou plutôt relevaient, de ce qu’on appelle l’éducation prioritaire (ex lycées ZEP). De quoi les faire douter de la sincérité d’Emmanuel Macron, qui affichait peu avant, dans un lycée professionnel, son attachement à « l’égalité des chances ». De quoi les faire douter plus encore de celle de Jean-Michel Blanquer, qui prétend depuis trois ans vouloir revaloriser les agents de l’éducation nationale, et qui prépare une réforme de l’éducation prioritaire.
D’où vient cette perte ? Jusqu’ici, dans ces établissements dont les élèves sont majoritairement issus de milieux défavorisés, une indemnité mensuelle était versée aux enseignants, aux conseillers principaux d’éducation, aux personnels de direction et aux personnels administratifs. Cette prime venait reconnaître une difficulté professionnelle spécifique. Il n’y a rien d’héroïque ni de tragique à travailler dans un lycée des quartiers populaires : les élèves y sont divers, vivants, attachants, parfois remuants, comme ailleurs. Mais les conditions économiques et sociales dans lesquelles ils vivent, plus défavorables qu’ailleurs, pèsent sur leurs trajectoires scolaires, leur rapport à l’école, leurs conditions de travail, ce qui complique nécessairement la tâche des professionnels qui ont pour mission de les instruire, de les encadrer et de les soutenir. Et si elle n’est pas quotidienne ni générale, il arrive que la violence surgisse, et parfois sous des formes aiguës, entre élèves ou envers les personnels. D’où une indemnité : c’est elle qui est supprimée aujourd’hui, alors qu’elle permettait, au même titre que les bonifications pour les mutations, d’inciter les personnels à se stabiliser dans ces établissements, permettant de construire dans la durée un collectif efficace au service des élèves les plus défavorisés socialement.
Cette suppression est le fruit d’une discrète liquidation de l’éducation prioritaire dans les lycées, à laquelle chacun des quatre derniers ministres de l’éducation nationale aura contribué. Un décret de 2015 prévoyait d’un côté la disparition des primes ZEP et autres pour les lycées à l’horizon 2019 (elle sera finalement repoussée d’un an), de l’autre la publication d'une liste des lycées bénéficiant du nouveau statut REP. Cinq ans plus tard, les primes ZEP s’éteignent sans que la liste REP n’ait jamais vu le jour, malgré les demandes collectives, insistantes et répétées des personnels concernés, particulièrement mobilisés en 2016-2017 autour du collectif « Touche pas ma ZEP ». Il y a fort à craindre que la disparition de cette prime sonne définitivement le glas des maigres moyens pédagogiques spécifiques — classes dédoublées et seuils d’effectifs pour l'essentiel — dont disposent encore quelques lycées des quartiers populaires, et qu’elle préfigure la disparition des labels REP nationaux dans les écoles et les collèges, prévue par un rapport récent.
Les personnels concernés sont d’autant plus furieux que cette disparition programmée se concrétise à la rentrée 2020, qui n’est pas exactement la plus facile. Leur salaire baisse soudainement et fortement — la perte représente plus de 5% du traitement brut des plus mal payés d’entre eux, enseignants débutants ou agents administratifs — alors que le contexte sanitaire crée un énorme surcroît de travail et de pénibilité pour tous les professionnels de l’école : des personnels de vie scolaire qui ne doivent plus seulement arrêter les bagarres, mais aussi désinfecter les mains, prendre les températures, surveiller les masques, aux personnels de direction et d’administration qui doivent gérer les nombreuses contaminations, en passant par les enseignants qui doivent remédier à six mois de suspension d’école sans aucun moyen supplémentaire ni aucun allègement de programme ou d’épreuve, mission particulièrement difficile avec des élèves plus fragiles que la moyenne.
Donner plus aux établissements dont les besoins sont plus importants, pour corriger autant que possible les inégalités de réussite scolaire en fonction de l’origine sociale, dont la France est la triste championne dans les enquêtes PISA : c’est le principe central de l’éducation prioritaire, c’était la justification de cette prime, parmi d'autres dispositifs, eux aussi menacés. Nous demandons à Jean-Michel Blanquer de la restaurer immédiatement. Au-delà nous demandons une carte élargie de l’éducation prioritaire, assortie d’un label garantissant de façon contraignante des moyens pour assurer des diminutions significatives d’effectifs par classe et des cours en demi-groupe, ainsi que la pérennisation et l’élargissement à tous les personnels (notamment aux AED et AESH), des dispositifs et compensations assurant la stabilité des équipes (bonifications pour les mutations, primes, etc.).
Car une politique d’éducation vraiment prioritaire ne peut pas prétendre à la cohérence quand elle crée des CP à 12, mais entasse les lycéens à 35 par classe y compris dans la plupart des lycées les plus défavorisés. L’éducation doit rester prioritaire de la maternelle au lycée !
(Pour signer l'appel en tant qu'établissement, ou en tant qu'organisation, rendez-vous ici.)