PLAIDOYER POUR UNE COUR CONSTITUTIONNELLE COURAGEUSE
PLAIDOYER POUR UNE COUR CONSTITUTIONNELLE COURAGEUSE
Le 17 février 2022, la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt relatif au recours en annulation qu’un groupe de citoyens avait introduit contre la loi du 15 mars 2020 modifiant la loi euthanasie du 28 mai 2002.
La question principale soumise à la Cour était celle de savoir si l’interdiction des hôpitaux et maisons de repos dont le projet de soins exclut l'euthanasie, est compatible avec le droit à la liberté de conscience, de pensée et de religion, et donc avec le pluralisme qui est garanti par la Constitution.
Plutôt que d’étudier l'argumentation des parties avec le sérieux que l’on peut attendre d’une cour suprême, la Cour constitutionnelle a préféré rejeter le recours ... sans l'examiner, au motif que les requérants n’avaient pas d’intérêt à demander l’annulation de l’interdiction en question.
Un excellent résumé et commentaire de l’arrêt est disponible sur la page web suivante : https://www.ieb-eib.org/fr/actualite/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/alerte-info-la-cour-constitutionnelle-rejette-le-recours-relatif-a-la-loi-belge-de-2020-sur-l-euthanasie-2084.html
Il est envisagé de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg.
Dans l'immédiat, l’intention est de faire publier la tribune ci-dessous dans un média à large diffusion, signée par le plus grand nombre possible de citoyens. En effet, pour l’avenir de notre pays, il est essentiel d’appeler notre Cour constitutionnelle à prendre plus au sérieux la mission qui lui a été confiée.
Nous vous invitons donc à signer cette tribune et à inviter d'autres à le faire. MERCI !
Tribune :
« Plaidoyer pour une Cour constitutionnelle courageuse
Le 17 février dernier, la Cour constitutionnelle de Belgique, réunie en séance plénière, était amenée à se prononcer dans une affaire de grande importance : celle de la préservation du pluralisme dans notre pays.
Le pluralisme est un des fondements de toute société démocratique. La Cour européenne des droits de l’homme dit d’ailleurs à son propos qu’il est « consubstantiel à la démocratie » !
Dans notre pays, le pluralisme a toujours été perçu comme un bien précieux. Cela s’est traduit, dans les domaines de l’enseignement et des soins de santé notamment, par la coexistence paisible d’établissements basés sur des conceptions philosophiques ou des convictions différentes.
Soucieux de préserver ce bien précieux, le Parlement a même décidé, en 1970, d’ancrer expressément le principe du pluralisme dans notre Constitution. L’article 11 de la Constitution dit en effet : « la loi et le décret garantissent les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques ».
Récemment, le Parlement fédéral ne s’est plus estimé tenu par ce devoir constitutionnel de garantir les droits des minorités. Il a même fait le contraire le 15 mars 2020, en adoptant une loi qui modifie la législation en matière d’euthanasie et qui interdit les maisons de repos ou hôpitaux dont le projet de soins exclut l’euthanasie. Que l’on soit favorable ou non à l’euthanasie, l’on doit constater que le législateur a ainsi mis fin à l’existence de la minorité que représentaient les établissements de soins dont le projet de soins est axé sur l’accompagnement du patient ou résident jusqu’au terme de sa vie, soins palliatifs compris. Violent, non ?
C’est la raison pour laquelle un groupe de citoyens avait demandé l’annulation de cette loi devant la Cour constitutionnelle.
Le Conseil des ministres, agissant au nom du Parlement, avait justifié l’interdiction devant la Cour en invoquant notamment le droit de chaque individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin.
La Cour constitutionnelle avait ainsi l’occasion de rendre un arrêt majeur sur une question sociétale fondamentale. Elle n’a pas saisi cette chance.
Elle a préféré rejeter le recours sans l’examiner, en estimant que les requérants n’avaient pas d’intérêt à demander l’annulation de l’interdiction instaurée par la nouvelle loi ... Les requérants avaient pourtant fait valoir que leur intérêt à agir découlait du fait que cette interdiction a un impact défavorable bien réel et concret sur leur situation puisqu’elle supprime définitivement leur possibilité de choisir comme lieu de vie, le moment venu, un établissement où les soins sont centrés sur le respect de la vie humaine jusqu’à son terme. La Cour a considéré que cet impact n’était qu’une conséquence « indirecte » de l’interdiction, parce que celle-ci vise les établissements de soins et non les requérants eux-mêmes…
Le refus d’examiner le recours sur cette simple base apparaît comme artificiel, et cache mal la volonté de la Cour de s’abstenir de trancher une question, sans doute délicate, mais fondamentale. Par peur du législateur ? Il faudrait alors constater que la Cour renonce à la mission même que la Constitution lui a confiée, à savoir protéger les citoyens contre les possibles égarements du législateur (qui peut en effet se dire à l’abri d’une erreur, même lorsqu’il s’agit d’une loi votée à une large majorité ?) …
Il n’est pas besoin d’être fin observateur pour constater le recul inquiétant de la démocratie et de la liberté dans le monde.
Dans ce contexte, n’aurait-on pu attendre de la Cour constitutionnelle qu’elle aborde franchement, et tranche, dans un sens ou dans l’autre la question de la préservation du pluralisme dans notre pays ? Tant les citoyens que les juristes de ce pays, s’en seraient réjouis. »